À PARIS, DES PRAIRIES SUSPENDUES
Éric Ossart et Arnaud Maurières se sont inspirés des paysages des grandes prairies d’Amérique du Nord pour concevoir cette terrasse sur les toits de…
DécouvrirFrançoise Persouyre se présente comme plasticienne de l’environnement architectural. Depuis 25 ans, elle conçoit et réalise des objets utiles et poétiques dans les espaces publics des villes. La nature est son école ; l’observation, sa source d’inspiration. Une méthode qu’elle enseigne à qui veut donner une âme à un jardin. Françoise nous explique sa manière d’éveiller le regard par l’exploration.
FRANÇOISE PERSOUYRE. Mon travail, au croisement du design et des arts multiples, consiste à répondre aux attentes d’un maître d’ouvrage – donneur d’ordre public ou privé– pour aménager le cadre de vie en suscitant un sentiment de bien-être immédiat. L’usage d’un mobilier ou d’un objet du quotidien relève de l’aménité environnementale. Je n’oublie jamais l’humain dans mon travail et, par delà l’environnement, j’essaie d’avoir une approche émotionnelle et positive. Je cherche à redonner un supplément d’âme à des lieux dans lesquels la nature est souvent absente ou a été « greffée » artificiellement. Depuis toutes ces années, j’ai abordé une grande diversité d’espaces –hall d’entrée d’une entreprise ou d’une gare, pignon d’un immeuble, square urbain, place de village, promenade piétonne… J’y ai créé des fontaines monumentales pour lesquelles l’eau dialogue avec le verre ciselé, une toile peinte pour habiller un mur d’hôtel, des bancs, des éclairages ou des grilles pour sublimer un jardin ou révéler un cheminement… Lorsqu’il s’agit d’un site prestigieux comme un espace classé, je cherche à habiter les lieux avec des créations qui résonnent avec ses racines patrimoniales.
F. P. Prélever des éléments dans la nature, prendre le temps de respirer des parfums odorants ou malodorants, toucher des textures rugueuses ou lisses, froisser des feuilles, écouter le bruit de l’eau nous permet d’acquérir une « mémoire vivante » de ce qui nous entoure et qui fait écho à notre enveloppe corporelle. Par exemple, les sillons creusés dans un morceau d’écorce nous ramènent à notre propre cycle de vie, avec nos rides, nos cicatrices, et nous rappellent que nous appartenons à un même « tout », le vivant ! Cette démarche nous incite à regarder, décortiquer, détailler les éléments vivants autour de nous. Pour garder la trace de tout cela, l’utilisation de la photo est intéressante, mais seulement en complément de l’acquisition de vraies sensations par le toucher, l’odorat, l’ouïe, la vue… Lorsque je réalise des formations, j’essaie d’emmener les stagiaires sur le terrain pour les inciter à développer cette approche. Quand j’interviens à l’École supérieure du paysage de Versailles, le Potager du Roi constitue un fabuleux terrain d’exploration pour appréhender de façon concrète l’étude de l’espace et de la couleur. Je propose aux stagiaires de réaliser un nuancier en 3D. Il permet de révéler toutes les subtilités de notre environnement (cou- leurs, textures, lumières) et constitue une aide à la conceptualisation de scénographies harmonieuses.
F.P. L’évolution de nos modes de vie, de plus en plus urbains, fait que nous sommes de moins en moins en contact avec la nature. Nombre de nos concitoyens se sont inconsciemment coupés de celle-ci et ont oublié que nous sommes partie intégrante d’un ensemble dans lequel le cycle des saisons rythme notre propre énergie. De nombreuses études attestent d’une érosion sans précédent de la culture de la nature. Les attraits des nouvelles technologies de l’information et de la communication font que les personnes de tous âges sortent moins. Dans la sphère de l’éducation, l’évolution des thèmes prioritaires a joué en défaveur de l’apprentissage de l’observation. La culture de la rapidité imprègne nos rythmes de vie et tout ce qui nous ralentit est considéré comme un obstacle.
F.P. La nature se vit, s’apprend, se découvre sur le terrain, non dans la virtualité, et en prenant son temps. Il nous faut donc trouver un meilleur équilibre entre rapidité et lenteur et promouvoir l’observation sur le terrain. Participer à des journées de sensibilisation ou à des formations fondées sur l’écoute et l’observation constitue une bonne voie pour ré-éduquer nos sens. Il suffit de quelques heures pour s’ouvrir et apprendre les méthodes pour modifier sa propre « agitation ». Il y a peu, une étudiante de Versailles me disait combien la journée de formation sur la couleur lui avait procurée une bouffée d’oxygène, un moment de répit dans une formation intense et exigeante, un moyen de faire tomber les inhibitions et de laisser éclore sa sensibilité artistique et sa créativité, en toute liberté.
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« L’observation de l’environnement aiguise mon imaginaire et nourrit ma créativité depuis toujours. Le jardin de mon enfance en Aveyron est chargé de souvenirs. Dans cet espace de nature, mon esprit se ressource sans cesse.
Le jardin, dans son ensemble, est un mode d’expression sensible. C’est un lieu paisible, accueillant, un coffre au trésor dans lequel on peut puiser son inspiration. En tout cas, c’est ce qui guide mon travail.
Le jardin est un art qui se démarque de toutes les autres formes d’art car c’est une œuvre vivante. Il nécessite une écoute et un respect de la terre. C’est un dialogue permanent dans lequel intervient la trace de tous ceux qui, avant nous, ont dialogué avec la terre, ont planté, soigné, taillé. Autant de gestes répétés que nous nous devons de partager à notre tour.
Plus globalement, se balader en forêt, observer le cycle des saisons, cultiver la terre, partir dans le désert, tous ces moments sont ressourçants. Les ailes d’un papillon, le dos d’un poisson deviennent un paysage en soi. Tout y est en termes de composition : les lignes, les formes, les volumes, les couleurs, les textures, les ombres et les lumières… Il n’existe pas de bonnes ou de mauvaises couleurs, lignes ou textures. Chacun doit écrire sa propre page sensible, en observant ce que la nature offre pour éveiller notre regard. Imaginez ces éléments naturels qui composent les paysages amenés en ville et intégrés dans notre quotidien. Ils vont forcément réveiller l’œil et la sensibilité du citadin. Ces images nous donnent la force de vivre et de supporter les tensions et les rythmes de la ville. Les symboles liés à la nature construisent une harmonie durable entre l’habitant et son environnement matériel. Ma démarche créative tient dans cette approche, et aux moyens d’intensifier l’âme d’un lieu.
Quand il s’agit de créer un mobilier, je ne le perçois pas seulement comme un objet lié à une fonctionnalité, mais aussi comme un élément capable de nous émouvoir. Le candélabre devient l’arbre dont les fruits tombés –les bornes– vont germer. Les feuilles se courbent pour devenir corbeilles de propreté et le banc enraciné déploie ses nervures.
Pascal Konan-Ferrand, un usager de la ville, a écrit ces mots sur mon travail. Je lui laisse maintenant la parole : « Le mouvement est présent dans toutes les créations de Françoise Persouyre. Les architectures qui naissent sous son crayon nous laissent voir des lignes, ondulantes et fluides (le candélabre) comme l’arbre dans la nature. Des courbes fuyantes et arquées (le banc) comme la feuille du végétal. Des courbes accueillantes, enveloppantes et rassurantes (la corbeille, la fontaine) comme la clairière et son cocon de feuilles et de mousses. La démarche créative de notre designer ne se limite pas à la beauté des lignes, ces objets de notre environnement dégagent des sensations de souplesse et de confort, qui permettent d’adoucir la rudesse du contexte urbain et redonnent aux lieux l’âme oubliée et maternelle de la nature. »
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