Dis-moi qui tu es, je te dirai quelle rose choisir
Les roses, c’est compliqué ! » direz-vous ? Que nenni, elles n’ont rien de compliqué aux yeux de Nadia de Kermel, journaliste et écrivaine, spécialiste…
DécouvrirComment rendre compte de la diversité des végétaux sans se soumettre à la classification des plantes ? Eh non ! Vous n’échapperez pas au latin… La botaniste Véronique Mure propose une brève histoire de la botanique, rythmée par le rôle de personnages (parfois mal connus) et de plantes qui ont permis de mieux appréhender le monde végétal.
Les premières classifications connues organisent les plantes selon leurs usages, en particulier leurs propriétés médicinales et alimentaires, en Égypte notamment. Les auteurs de l’Antiquité, philosophes, naturalistes, médecins grecs ou latins, ont chacun adopté leur propre règle de classification. Au IVe siècle avant notre ère, le célèbre philosophe grec Aristote pensait que le règne vivant était organisé suivant une échelle de perfection allant des plantes à l’homme. Théophraste, son condisciple, reprendra à son compte ses observations, en classant les plantes selon leur taille. Au Ier siècle, le naturaliste romain Pline l’Ancien consacre quinze livres de son Histoire naturelle à la botanique, résumant tant bien que mal toutes les données botaniques de son époque, tandis que le médecin grec Dioscoride concentre ses écrits sur les plantes alimentaires, médicinales, aromatiques et vénéneuses.
Le Moyen Âge replié sur lui-même va surtout compiler, copier, commenter les ouvrages de l’Antiquité. Il faut attendre la Renaissance pour que les Européens partent explorer le monde, souvent sur les traces des auteurs de l’Antiquité, collectant et classant les végétaux à l’envi.
Au XVIe siècle, en même temps que se fait jour un engouement pour les cabinets de curiosité et les collections en tout genre, les intellectuels se prennent de passion pour les plantes. Des jardins sont créés spécifiquement pour les étudier vivantes, principalement pour servir la médecine. Ainsi les universitaires de la Renaissance italienne sont-ils à l’origine des premiers jardins botaniques d’Europe, tels ceux de Pise en 1543, puis de Padoue et de Florence deux ans plus tard.
En France, le plus ancien jardin botanique est créé en 1593 au sein de la faculté de médecine de Montpellier par Pierre Richer de Belleval, sur édit d’Henri IV. Il servira de modèle au Jardin royal des plantes médicinales de Paris en 1635.
En 1623, le naturaliste suisse Gaspard Bauhin est l’un des premiers à tenter une classification « naturelle » du règne végétal basée sur plusieurs caractères, marquant un tournant dans l’histoire de la botanique.
Les événements s’accélèrent ensuite, spécialement en France. Pierre Magnol, dès la fin du XVIIe siècle, a l’ingéniosité de bâtir un système de reconnaissance basé tout d’abord sur les formes végétatives (feuilles notamment), puis sur les organes de reproduction, dont la fleur. Il regroupe les espèces en familles. Durant cette même période, Joseph Pitton de Tournefort crée la notion de genre. En 1763, nouveau tournant : Sébastien Vaillant démontre la sexualité des végétaux, en étudiant de près la floraison du pistachier, Pistacia vera. La même année, Michel Adanson publie Familles des plantes, traité qui a servi à fonder la taxonomie botanique moderne, la science qui décrit, nomme et classe les plantes. Antoine Laurent Jussieu reprendra sa méthode en étudiant les affinités entre les végétaux et le principe de la dépendance des caractères entre eux. Il publie en 1789 Genera plantarum, qui servira à établir la nomenclature des familles.
Dans la foulée émerge le travail d’un des personnages les plus connus dans cette histoire de la botanique, le Suédois Carl von Linné. Entre 1737 et 1758, il établit non seulement une classification des plantes basée sur la fleur et plus précisément sur les étamines, mais il met également au point la nomenclature binomiale pour les plantes. Ce système s’impose à travers l’Europe grâce à sa notoriété. Depuis lors, les plantes sont universellement nommées par la combinaison de deux noms latins : le nom de genre et le nom d’espèce. Ainsi la rose des chiens (ou églantier) répond-elle, pour tous les botanistes de la planète, au nom latin de Rosa canina.
Mais l’histoire de la taxonomie ne s’arrête pas à Linné. En 1824, Augustin Pyrame de Candolle publie une Théorie élémentaire de la botanique qui pose les principes généraux de la classification. C’est à cette époque que la notion d’évolution du vivant se fait jour. De Candolle y participe en combattant les idées fixistes qui avaient prévalu jusque-là.
Le Français Jean-Baptiste de Monet de Lamarck écrit en 1779 la première Flore française, en utilisant des clés de détermination dichotomiques (basées sur des choix alternatifs). Il invente le mot « biologie » et introduit la notion de transformisme et d’hérédité des caractères acquis. La théorie qu’il publie inspire quelques années plus tard le naturaliste anglais Charles Darwin, auteur
en 1859 d’une autre théorie de l’évolution, fondée quant à elle sur la sélection naturelle. Dès que les idées de Darwin se furent imposées dans la communauté scientifique, les botanistes du XIXe siècle cherchèrent à mettre en évidence dans les classifications les relations évolutives, de parenté, entre les organismes, donnant naissance à la phylogénie.
Le XXe siècle et le début du XXIe sont marqués par la montée en puissance de la classification moléculaire, bâtie sur la comparaison de séquences d’ADN des Angiospermes, les plantes à fleurs. L’emprise de cette méthode s’étend alors à mesure que progressent les techniques de séquençage de l’ADN, mais aussi grâce au développement de l’informatique et d’Internet, qui permettent la mise en réseaux de la communauté scientifique et la communication de ses travaux.
Des changements notables, dus à la précision des analyses génétiques, apparaissent depuis dans la classification. Des familles sont remaniées, des genres sont regroupés, des espèces changent de nom. Depuis 1998, un groupe d’une trentaine de botanistes internationaux, l’Angiosperm Phylogeny Group (APG), a ainsi publié quatre classifications botaniques successives qui s’appuient sur la phylogénétique végétale, en utilisant les techniques moléculaires et l’analyse cladistique : APG I (1998), APG II (2003), APG III (2009) et APG IV (2016).
On découvre alors que les similitudes des caractères morphologiques, en particulier des organes reproducteurs sur lesquels reposaient les classifications anciennes, ont pu induire en erreur les botanistes. Ainsi, l’ordre des Urticales est abandonné au profit des Rosales, le micocoulier, auparavant classé avec les ormes dans la famille des Ulmacées, rejoint le chanvre et le houblon dans la famille des Cannabacées, les viornes et les sureaux, autrefois classés parmi les Caprifoliacées, sont affiliés aux Adoxacées…
On en perd notre latin ! Il est temps de réécrire un alphabet du savoir, nécessaire pour permettre à chacun d’accéder à la connaissance, afin que la botanique ne soit plus l’apanage de spécialistes mais l’affaire de tous.
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Cet article est extrait du neuvième opus de la revue Garden_Lab : [Être] botaniste. À découvrir dans sa version intégrale
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