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Musée du Mucem, Marseille, Garden_Lab#10 Jardins & sécheresse

Le Jardin des migrations :
plantes et hommes en Méditerranée

Musée du Mucem, Marseille, Garden_Lab#10 Jardins & sécheresse


Entre ciel et mer, ourlant le fort Saint-Jean, les dentelles de métal du J4 en point de mire, le Jardin des Migrations à Marseille révèle le monde végétal méditerranéen. Ici, les plantes sont libres d’aller et venir, se reposant en été pour mieux s’exprimer le reste de l’année.

À l’entrée du Vieux-Port de Marseille, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) et le Jardin des migrations font corps pour raconter des histoires de brassages culturels et botaniques. Ils témoignent ensemble des indéfectibles liens du monde vivant, rappellent dans chaque recoin que la vie des civilisations méditerranéennes est intimement associée à des paysages et à une végétation au caractère bien trempé. Le site est composé de deux imposantes structures architecturales reliées par une passerelle de 130 m de long : la première au passé militaire, le fort Saint-Jean qui garde l’entrée du Vieux-Port depuis le XIIe siècle, et la seconde à la jeunesse arrogante, le J4 édifié pour accueillir les collections du Mucem par la figure de l’architecture marseillaise Rudy Ricciotti, associé à Roland Carta.

ENDÉMIQUE ET EXOTIQUE, ENSEMBLE

En 2010, l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic), chargé de la restauration du fort Saint-Jean de Marseille en vue de l’ouverture du Mucem, lance un concours pour la création d’un jardin sur le site, propriété de l’État. L’agence de paysage APS, accompagnée du pépiniériste Olivier Filippi et de la botaniste Véronique Mure, remporte la mise avec le projet d’une partition jardinière centrée sur les migrations botaniques et le jardin du futur. Déclinée en quinze « unités paysagères », 
cette partition mêle nature et usages traditionnels des plantes en Méditerranée et joue à la fois avec la flore endémique et les plantes importées par l’homme. La partition n’est ni exubérante ni tapageuse. Elle sonne juste dans ce pays de garrigue, à l’heure où les effets du réchauffement climatique se font sentir un peu partout. Elle est tant et si bien intégrée au lieu qu’on en viendrait à oublier sa présence. On peut d’ailleurs regretter la trop grande discrétion des cartels d’explication qui jalonnent pourtant le parcours et expliquent la démarche. C’est finalement en totale liberté que le visiteur se voit conter le récit des plantes en Méditerranée. La médiatisation autour de l’ouverture du Mucem ne profite pas immédiatement au Jardin des migrations. La greffe prend doucement et aujourd’hui l’expression culturelle méditerranéenne englobe collections du musée et parcours ethnobotanique. Une fête des plantes anime chaque année la cour de la Commande le dernier week-end d’avril. En 2020, le musée a même associé le jardin à la réflexion sur une exposition permanente autour de l’alimentation méditerranéenne. « Le jardin est devenu un contenu et n’est plus simplement un décor », se réjouit Véronique Mure. Le site a la particularité d’être un des seuls lieux d’expression du jardin sec ouverts au public.

Une forme de jardin qui vit à contre-saison, dormant en été pour s’épanouir à l’automne, au printemps et même en hiver. En cette fin du mois de septembre, la végétation sort à peine de son estivation. Véronique Mure nous guide sur les parcours migratoires de ces végétaux méditerranéens. Fait du hasard, l’équipe de jardiniers menée par Jean-Laurent Félizia est sur place pour une réunion technique qui orientera les interventions à venir. La visite commence par la cour des orangers. Ici, on fait référence au jardin andalou avec l’eau et les parfums, mais aussi à l’importation des oranges en France qui passait immanquablement par ce port. Nous continuons le parcours ethnobotanique dans le jardin du commandeur, planté de myrtes et de grenadiers, également hautement symboliques dans le bassin méditerranéen. Le jardin des salades sauvages s’en suit. Il fait la part belle aux plantes spontanées du fort avant sa restauration, très souvent apportées par l’homme pour des usages divers. Un peu plus loin, les figuiers poussent à la dure en plein soleil. Les aromatiques cheminent en surplomb du port, la colline rend hommage aux cultures en terrasse… La promenade se termine par le jardin des ailantes, un pied de nez des concepteurs pour rendre hommage à ces arbres migrateurs qui poussaient sur les ruines du fort.

Fait rare, le choix des espèces végétales, confié à Olivier Filippi et à Véronique Mure, a précédé le dessin du jardin. « Nous sommes venus sur le site pour spatialiser les histoires de migrations et de jardin sec que nous souhaitions raconter, se souvient la botaniste. Nous avons créé un propos, une promenade, dressé une liste de plantes appropriée à chaque histoire. » Les paysagistes ont ensuite travaillé l’aménagement puis la réalisation des quinze unités paysagères à partir de cette matière botanique. Chaque unité déroule ainsi son récit des liens entre les plantes, les hommes et ces territoires secs.

VITRINE UNIQUE DU JARDIN SEC

L’ensemble est également un terrain d’expérimentation grandeur nature pour les jardiniers confrontés à la gestion d’un espace public sans arrosage ni intrant. La lourde mission d’entretien est confiée à une entreprise extérieure associant à l’époque les paysagistes Stanislas Alaguillaume et Jean-Laurent Félizia, lequel poursuit seul désormais la gestion du site avec l’équipe de jardiniers. Les concepteurs ont obtenu un droit de regard sur l’évolution de ce jardin unique en son genre. La tâche n’est pas facile, de l’avis de Véronique Mure : « Il était important d’être en symbiose avec les jardiniers. Il ne s’agissait pas simplement de faire de la taille et encore moins de l’arrosage. Ce qui se passe ici fait figure d’exemple pour l’avenir des jardins et servira à faire évoluer la manière de les concevoir. Les jardins secs ne sont pas faciles à mettre en œuvre. Ils demandent une grande attention à la plantation, à l’action des racines et à la façon dont on arrose les premières années. » En neuf ans d’existence, des plantes ont migré dans ce lieu, souhaité le plus autonome possible. On s’interroge dès lors sur le rôle du jardinier. Les arbres sont ici peu nombreux, a contrario des plantes vivaces qui dominent les scènes paysagères. Ces vivaces ont beaucoup poussé les premières années sous l’effet des arrosages, puis sont mortes. Elles n’ont pas disparu. Elles se sont ressemées ailleurs en développant un système racinaire adapté cette fois au terrain que l’on avait alors cessé d’arroser. « La première plantation est finalement faite pour amorcer une dynamique dans un jardin. Les générations suivantes installeront l’autonomie. Mais ces nouvelles plantes ne vont pas s’établir là où on l’a décidé. Le jardinage se fait alors par soustraction et non plus par addition », explique Véronique Mure. Savoir jardiner en ce sens dans un tel lieu, où une liste de plantes était affectée à chaque unité paysagère, relève du défi. « C’est le jardin qui commande, reconnaît Jean-Laurent Félizia, le jardinier fait juste office de médiateur. » « Le jardinier doit inventer un propos face au comportement des plantes. Tout se négocie. Le concepteur de jardin résilient partage la signature avec le vivant. C’est l’histoire que nous voulons raconter ici », conclut Véronique Mure. Alors promettez-nous, lors de votre prochaine visite au Mucem, d’aller flâner dans le Jardin des migrations et de vous laisser porter par la puissance du vivant.

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Cet article est extrait du dixième opus de la revue Garden_Lab : Jardins & sécheresse. À découvrir dans sa version intégrale

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Couverture de la revue Garden_Lab n°10, Jardins & sécheresse.

 

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