Cette année, Garden_Lab est partenaire de la 5ème édition du Carré des Jardiniers, concours emblématique de la filière paysage. À cette occasion, nous vous proposons de suivre mois par mois cette aventure, pour vous faire découvrir les arcanes du métier de jardinier qui associe créativité, passion, savoir-faire et esprit collectif. 

Pour cette 5ème édition du concours, les candidats finalistes conçoivent un jardin en s’intéressant à la « place du village ». Lieu de vie, de convivialité et de rencontres, symbole de vie publique, la place du village est une notion aussi multiple que complexe à appréhender. Quelle place pour l’humain ? Quelle place pour le végétal ? Nous avons posé la question à trois membres du jury qui ont en commun de connaître le jardin sur le bout des doigts : Jean Mus, architecte paysagiste de renommée internationale et Président du jury ; Stéphane Marie, Parrain du concours et animateur iconique de l’émission Silence, ça pousse ; et enfin Anne Cabrol, jardinière paysagiste et Maître Jardinier 2017. À travers leur vision, tentons de dessiner les contours de la place du village idéale…

La place du village, lieu de nos imaginaires collectifs

Difficile d’appréhender l’essence même de ce lieu tant il revêt de multiples subjectivités. Pour certains, la place du village évoque des souvenirs, pour d’autres des sensations. On y vient boire un café, lire, se retrouver, jouer aux boules ou assister à une manifestation. Elle a pourtant quelque chose d’essentiel. À l’image de ce qu’évoque Anne Cabrol, « c’est un lieu de rencontres et d’échanges. Un endroit qui bouillonne, qui vit, où l’on vient pour se changer les idées, pour parler, apprendre des choses. » La place du village, depuis ses origines, serait le catalyseur du lien social. Jean Mus évoque la place des palabres en Afrique, « où l’on vient se raconter des histoires dans toutes sortes d’ambiances, d’atmosphères et d’attitudes. En ville, chacun recherche ces endroits où retrouver du lien social, des quartiers plus sensibles, plus humains. Dans les villages, ce sera la nostalgie des histoires de nos parents, de nos grands-parents, ou de nos arrière-grands-parents, où il se passait des histoires, des histoires de la vie ou l’histoire de la vie tout court. » Se mêlent alors les notions d’individuel et de collectif, d’usages multiples et d’identité commune. « Chaque place du village doit avoir sa propre identité, son âme propre, selon les territoires, les terroirs, les arts de vivre. Les gens se retrouvent et créent ce lien extraordinaire à travers un lieu qui leur est commun, qui leur appartient, qu’ils se sont appropriés collectivement. »

De la place du village à la place publique il n’y a donc qu’un pas. La place du village ne serait-elle finalement pas le lieu où le rapport à l’autre se construit, où la conscience publique prend racine ? « La place du village est l’endroit où l’on est ensemble, où l’on construit notre rapport à la chose publique, dans un posture d’ouverture, de communication, d’écoute et de partage. C’est le lieu où l’on se projette dans le monde », nous dit Stéphane Marie.

De la place du village… à la place du végétal

Repensons à la place des palabres d’Afrique, ces enfants qui viennent écouter la parole des anciens, mais aussi le lieu où l’on s’exprime sur la vie en société, les problèmes du village, la politique… D’ailleurs, ne parle t-on pas traditionnellement de l’arbre à palabres ? À Jean Mus d’ajouter « ce que je trouve merveilleux dans la place du village, c’est cette notion de vie publique qui est incarnée. C’est un lien formidable qui se crée au côté d’un ami commun qui est l’arbre ». Au cœur la place du village, ce lieu bouillonnant de vie, de ce patrimoine collectif, il y a donc le végétal. « La place du village est le poumon vivifiant de nos villages », précise t-il. La métaphore donne à réfléchir.

Qu’il contribue à notre bien-être – nous donnant simplement l’envie de nous retrouver à l’ombre d’un arbre, ou qu’il nous questionne à l’aune d’enjeux climatiques toujours plus pressants et de la question ô combien d’actualité des îlots de chaleur en ville, le végétal est indissociable de la place du village et de la manière de la concevoir. Comme l’explique Anne Cabrol, « Nous, paysagistes devons avoir des convictions et faire passer des messages. Le végétal contribue à notre bien-être, mais au delà d’une forme de poésie, il s’agit aujourd’hui d’une nécessité. » Le végétal aurait donc plus que jamais sa place au cœur du village, en le rendre plus agréable à vivre… le végétal s’immisçant dans notre vie publique, jouant en faveur de nos intérêts communs, et répondant à nos enjeux sociétaux.

Laissons alors le mot de la fin à Stéphane Marie, qui nous raconte une histoire de village parmi tant d’autres. « Il y a une trentaine d’années, j’étais en vacances en Grèce, dans le Péloponnèse. En autostop et après quelques détours par des routes incroyables, je me suis retrouvé au milieu de nulle part, dans les montagnes. En contrebas, il y avait un petit village. Je me souviens de ses quelques maisons, son café, sa petite terrasse, et ces gens qui vivaient là, portes ouvertes sur la place du village. Au centre, se dressaient trois énormes platanes, formant une coupole de fraîcheur, comme un symbole de la renaissance, une représentation de l’univers. C’était d’une beauté et d’une poésie incroyable. Nous étions en plein mois d’août, il faisait très chaud, et cette place du village était comme un havre où les gens venaient se rafraîchir, boire l’ouzo et se retrouver. Il y avait quelque chose de miraculeux : ces gens, la sécheresse aux alentours, et là, tout à coup, ce havre de vie et de fraîcheur. »

Comme si la place du village se faisait alors celle de la rencontre, le lieu ou l’agréable se joint à l’utile, où naissent les intérêts communs, où la projection des idéaux humains prend forme. Un lieu où le végétal – que d’aucuns cherchent aujourd’hui à défendre – aurait donc toute sa place. Un lieu de vie en somme, de toutes les formes de vies.

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> Concours Carré des jardiniers

Retrouvez tous les épisodes du Carré des Jardiniers :
ÉPISODE #1 : QUI SONT LES CINQ FINALISTES ?

ÉPISODE #2 : DEVENIR MAÎTRE JARDINIER

ÉPISODE #4 : LA PLACE DU VILLAGE (PARTIE 2)